Dans cette ère anthropocène, où nos repères s'effondrent, impossible de savoir où nous allons. Sous une chaleur écrasante, nous réapprenons à respirer, comme la terre elle-même devra chercher comment survivre. Seule notre curiosité obstinée et les rencontres inattendues peuvent nous guider, nous invitant à écouter ce que le silence, le désert et les éléments naturels ont à nous dire.
Né des cendres du groupe post-punk Pánico, originaire du Chili, le duo Nova Materia (Caroline Chaspoul et Eduardo Henriquez), qui se traduit par “nouvelle matière”, a débuté lors d'une expérience singulière durant l'enregistrement de "Resonancia", un album composé pendant 15 jours dans un studio mobile au cœur du désert d'Atacama. Un territoire mystique qui est devenu lui-même un instrument de création.
Se rapprochant plus de l’esthétique de la musique concrète, l'album puisait sa matière sonore directement dans les entrailles du désert le plus aride au monde. Les musiciens ont transformé le paysage en un vaste studio, collectant des sons originaux : manipulations de roches, fragments de tôles trouvés dans des villages abandonnés, field recordings qui capturent l'essence d'un lieu suspendu entre héritage autochtone et modernité industrielle. Ces premières expériences constituent désormais l'ADN musical de Nova Materia, où chaque morceau raconte l'histoire d'un territoire à la frontière entre nature et industrie, entre colonisation et mondialisation contemporaine, à l'ombre du déclin industriel.
Le film "The Band that Met the Sound Beneath", réalisé par James June Schneider, retrace la création de l'album "Resonancia".
Pour annoncer la sortie de leur prochain EP prévu en Février 2025 via Beta Pictoris Music, Nova Materia dévoile un premier extrait, "Fictions of myself", une ode à la réinvention constante de sa propre identité (“I’m a fiction of myself and I’m free / I’m hunting myself (...) I’m doing what I want, I’m a fiction”).
Fusionnant les idées de primitivisme et de futurisme, le duo se situe dans un territoire sonore hybride, entre le post-punk sulfurique de Mueran Humanos, les bruits de tôles industrielles d'Einstürzende Neubauten, l'electroclash futuriste d'Add N to X, le coldwave minimaliste de Deux et l'EBM dansant de Front 242. Dans une démarche artistique et politique où les objets racontent une histoire, les matériaux utilisés ne sont pas achetés mais bien recyclés ou détournés : pierres volcaniques aux résonances variables selon leur origine, fragments industriels glanés en marge des chantiers, instruments hérités de leur précédent projet Pánico. Le clip, tourné spontanément dans la frénésie nocturne de New York après un concert au Lincoln Center le 17 octobre dernier, capte une énergie brute, où le groupe se perd dans une sorte de foule virtuelle fantomatique grâce à une utilisation innovante de l’IA. Les rencontres inattendues se feront désormais à travers le monde numérique. Cette recherche, qui a d’abord commencé dans le désert, se poursuivra donc dans le monde digital.
Crédit photo : Philippe Levy